En aout 2013, la responsable du Musée Municipal de Nogent sur Marne, me contacte pour me proposer de créer un spectacle dans leur lieu autour de l’exposition «7 artistes dans la grande Guerre» dans le cadre de la Nuit des Musée en mai 2014 …. Je ne connais pas vraiment le sujet et la seule chose qui me vient à l’esprit c’est la lecture des lettres de poilus… Je lui réponds qu’il me faut un peu de temps pour réfléchir à la question… Du coup, je me mets à faire des recherches, à lire tout ce qui existe autour de cette guerre… Il y a bien sûr l’aspect historique, les soldats dans les tranchées, les batailles, les dates, mais il y a aussi la vie des civils, des femmes surtout et là je découvre tout un panel d’héroïnes extraordinaires: des espionnes, des infirmières, des religieuses aux histoires passionnantes dignes des plus grandes épopées romanesques….Je ne sais pas encore sous quelle forme mais c’est d’accord nous nous lancerons dans l’aventure!
La différence entre les grands conflits internationaux est liée aux personnalités des instigateurs et détracteurs de l’Histoire, de la stratégie du combat propre à une époque. En revanche, le sentiment des civils victimes de la barbarie, des familles séparées, des choix que l’on s’impose ou pas, des camps auxquels on adhère, est intemporel et universel. L’idée du spectacle se dessine, il part donc d’une famille ordinaire à la veille de la mobilisation générale du 02 aout 1914. Il est sans parole, sous forme de cinq tableaux vivants. En résonance avec les œuvres exposées, chaque séquence évoque un impact personnel et individuel de la guerre. Entre rêve et cauchemar, nous développerons un parcours déambulatoire autour des thèmes de la séparation des familles, la résistance, le dénie de soi, la collaboration, la témérité…et bien plus encore.
«Voir défiler les dragons» est une expression que les poilus utilisaient lorsqu’ils avaient faim et qu’il n’y avait plus rien à manger. Interprété par trois comédiens et deux danseuses, le spectacle oscille entre situations muettes et chorégraphies.
Le premier tableau évoque le ressenti intime d’une famille soudainement séparée par la guerre. C’est un repas. Une prémonition… Le père part, le fils proclame la paix, la fille s’engage dans la résistance, la mère s’émancipe, le jeune fils est victime d’hallucinations. C’est sur la base de ces cinq directions, que se déclinent les quatre autres tableaux. Au gré de la déambulation, le public découvre ainsi les poupées de laine, Nénette et Rintintin, couple légendaires, dont l’amour si fort les protégeaient des bombardements, porte-bonheur des poilus. Le champ de bataille avec la suggestion d’un soldat poursuivi par un cheval… Le rappel de la paranoïa autour de la publicité des bouillons KUB de Maggi où il a été imaginé que c’était un moyen de véhiculer différents codes secrets. Un clin d’oeil à Gabrielle Petit, «la Jeanne d’Arc de Roubaix» qui, grâce à ses talents de transformiste échappait à l’ennemi. Le rôle des infirmières et les blessures des soldats. L’apparition du gaz moutarde et les alternatives pour survivre. L’ensemble du spectacle est soutenu par une bande son. La musique, composée par Stéphane Hoareau alterne entre minimalisme bruitiste et jazz rock puissant. On y retrouve des fragments de poèmes de Boris Vian et de lettres de soldats condamnés.